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« Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne » (article 3). « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé et son bien-être, y compris l'alimentation » (article 25).
Ces deux articles ont été adoptés il y a 77 ans, dans un monde qui se remettait toujours des ravages de la Seconde Guerre mondiale. La Déclaration universelle des droits de l'homme est née d'un engagement collectif à protéger les droits fondamentaux de l'être humain, partout dans le monde. Elle a depuis été approuvée par les 193 États membres des Nations Unies. Au cœur de cette vision se trouvait une compréhension commune, à travers les continents, les langues, les religions et les systèmes politiques, que la paix et la sécurité alimentaire sont indissociables. La dignité humaine dépend de la capacité à vivre en sécurité, à se nourrir et à résister aux chocs sans perdre les fondements de la vie.
Pourtant, cette cohérence est devenue beaucoup moins évidente dans les décisions publiques. Aujourd'hui, la sécurité domine le discours public au Canada, en lien avec les préoccupations liées à l'inflation, au commerce, à l'instabilité géopolitique, aux impacts climatiques, aux migrations mondiales et à la fragilité des chaînes d'approvisionnement. Le gouvernement fédéral prépare d'importantes réductions de l'aide internationale, y compris dans le domaine de la santé mondiale, et le premier ministre Mark Carney a déclaré publiquement que la Politique d'aide internationale féministe (PAIF) ne serait plus le cadre politique directeur. Les détails du budget 2025 restent inconnus, mais la réduction du soutien à la nutrition, à la santé mondiale ou à la résilience agricole, tout en s'éloignant de la PAIF, affaiblirait les mécanismes de stabilité que le Canada a autrefois défendus.
Les dépenses militaires, avec tout ce que cela peut impliquer pour la protection ou la violation des droits de la personne, augmentent, tandis que les budgets consacrés au développement diminuent dans le monde entier. Cela se produit alors que les Nations Unies estiment que près de 720 millions de personnes souffrent de faim chronique, un fardeau qui pèse de manière disproportionnée sur les femmes. Le rapport de la FAO intitulé « L'État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2025 » note que 2,6 milliards de personnes n'ont pas les moyens de s'alimenter sainement.
L'Afrique subsaharienne et le Moyen-Orient sont les plus touchés. Les conflits, les crises économiques, la sécheresse et le stress hydrique réduisent les récoltes, font grimper les prix et poussent les familles à faire des choix impossibles. Les enfants sont parmi les premiers à en subir les conséquences. À Gaza, les taux de malnutrition aiguë sévère ont atteint des niveaux sans précédent. Le Soudan est confronté à l'une des pires crises alimentaires depuis des décennies, des régions entières étant menacées par la famine.
Ces crises ne restent pas « là-bas ». Elles ne peuvent être considérées comme externes ou distinctes de notre réalité canadienne. L'instabilité dans les régions productrices de denrées alimentaires peut se propager rapidement à d'autres pays, y compris au Canada, qui achète des denrées dans le monde entier. Cette année encore, le Rapport sur les prix des denrées alimentaires au Canada This link will open in a new window démontre à quel point l'inflation des prix des denrées alimentaires au Canada a été amplifiée par les perturbations climatiques et géopolitiques dans les principales régions productrices.
Le Canada doit faire sa part.
Une motion d'initiative parlementaire adoptée par le Parlement (M-14) propose d'aligner plus étroitement l'aide internationale sur les intérêts économiques du Canada. Il existe désormais un risque accru que les retombées économiques pour le Canada prennent le pas sur les obligations en matière de droits de la personne, les préférences locales et les cultures. Le Canada dispose déjà d'une législation efficace en matière de responsabilité de l'aide, qui stipule que l'aide internationale doit rester fondée sur la réduction de la pauvreté et les droits de la personne. Les exigences de la motion M-14 banaliseraient les besoins humanitaires au profit des intérêts politiques nationaux. En d'autres termes, cela impliquerait de revenir au modèle inefficace de l'aide liée.
Il s'agit d'une question de responsabilité, et non d'ambition. Une approche canadienne crédible protégerait les budgets consacrés à la nutrition et à la sécurité alimentaire, maintiendrait le soutien aux régions confrontées à la faim, investirait dans des programmes intégrés qui relient l'aide humanitaire, le genre, l'agriculture durable, la mécanisation, la nutrition, le développement socio-économique et la résilience climatique, et défendrait une approche du développement qui place les droits de la personne au centre de la prise de décision.
Il est bien documenté qu'une meilleure nutrition améliore la santé et les résultats scolaires. Des organisations agricoles plus fortes augmentent les revenus et la résilience des marchés. Le leadership des femmes se renforce lorsque les moyens de subsistance sont assurés. Les communautés deviennent plus stables et moins susceptibles d'être entraînées dans des conflits. Ces gains s'alignent directement sur les engagements du Canada en matière d'action climatique, d'égalité des genres et d'objectifs de développement durable.
Les organisations canadiennes savent déjà comment mettre en œuvre cette intégration. Elles associent l'aide alimentaire à la formation agricole, soutiennent les entreprises locales qui produisent des aliments riches en nutriments et collaborent avec les gouvernements pour établir des normes plus strictes et améliorer l'accès aux marchés. Ces approches sont efficaces et rentables.
La faim peut être évitée. La sécurité mondiale est interconnectée. La sécurité alimentaire est la pierre angulaire des deux.
Comme nous l'a rappelé l'ancien secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, « nous ne pouvons pas profiter du développement sans sécurité, et nous ne pouvons pas profiter de la sécurité sans développement ». Le droit à l'alimentation, et avec lui les droits à la vie, à la santé et à la dignité, est un fondement qui ne doit pas être affaibli.
L'aide internationale n'est pas de la charité. C'est un investissement dans la stabilité et la paix. Un investissement qui protège et promeut le droit à l'alimentation, à la vie et à la sécurité partagée.
par Marlen Mondaca et Martineve Pajonas
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Marlen Mondaca est vice-présidente des programmes et des partenariats chez Kinvia, et Martineve Pajonas est directrice du développement des affaires chez UPA Développement international. Ensemble, elles coprésident le Groupe de réflexion sur la sécurité alimentaire, un réseau de plus de 40 organisations canadiennes qui œuvrent pour mettre fin à la faim dans le monde.